Rechercher dans ce blog

dimanche 12 février 2012

Les malades imaginaires




Hier la fille de la tante maternelle de ma mère a appelé pour nous dire que sa mère était très malade, qu'elle voulait voir toute la famille parce qu'elle pensait que son heure avait sonné. Ma mère s'est tout de suite mise à faire du matlou' pour le prendre avec elle, comme elle le fait à chaque fois qu'elle va voir une personne malade.
En la voyant faire, mon père lui a dit qu'elle devrait stocker quelques pains dans le congélateur pour la prochaine visite à sa tante maternelle parce qu'elle n'était pas prête de mourir et qu'elle nous enterrerait tous avant.

La tante de ma mère est la plus âgée de la famille. Elle a survécu à trois maris, à ceux qui allaient la voir à chaque fois qu'elle tombait malade, à toutes les crises que l'Algérie a connu. Elle a mangé et critiqué la tamina de tous les nouveaux-nés de la famille, elle a assisté à tous les mariages où on lui mettait toujours un fauteuil à côté de celui de laâroussa. On l'invitait toujours au khoutouba, mais on a cesséde le faire depuis le kour où, elle a demandé aux parents du jeune homme qui étaient venus demander la main d'une cousine, si leur fils dja yatzawedj wala dja yataâwedj.

Dans la famille, on l'appelle la "mrida imaginaire". Elle croit toujours qu'elle va mourir. Quand on lui demande comment elle va, elle répond : "Wach rani ? Saâti lahqat ou wahed ma dja tal aâliya.".
Quand elle le dit,  mon père  lui répond : " Ya el hadja, saâtek rahi habssa lazem taâmriha ".
 Elle et lui, c'est le chat et la souris.

Elle trimballe partout son sac plein de médicaments . Quand elle entend la sirène des ambulances, elle dit que la prochaine ce sera pour elle et que nethanaw menha.

Il y a beaucoup de malades comme elle qui croient qu'ils sont atteints d'une quelconque maladie et qui rendent leurs proches malades avec leur maladie imaginaire. Si on leur demande comment ils vont, ils sortent tout de go de leur poche une vieille ordonnance pliée en quatre, on dirait qu'elle a fait la guerre d'Indochine, et  commencent à expliquer pourquoi ils prennent tel ou tel médicament ; que malgré cela, ils ne sont pas encore guéris.
C'est bizarre dans l'ordonnance de ces malades, il y a toujours des médicaments contre les maux d'estomac.

C'est comme la concierge où la belle-sœur d'une cousine habite. Elle n'est plus concierge depuis longtemps mais elle continue à occuper l'appartement qu'on lui avait donné pour faire concierge. Elle a reçu plusieurs avertissements d'expulsion mais elle continue à habiter là-bas. Elle dit que sa famille et elle n'ont pas où aller,
mais tout le monde sait qu'elle a fait construire une grande maison dans sa ville natale, qu'elle loue en été aux émigrés. Elle, chaque fois qu'on lui demande comment elle va, elle répond qu'elle ne dort pas bien la nuit parce que la mie de pain qu'elle mange lui fait mal et qu'elle pense qu'elle a un kyste dans le ventre et a peur de se faire opérer.

Il y a aussi l'épicier qui pendant qu'il nous sert, il nous parle des nausées, hacha sam'in wa el qaryin, qu'il a au réveil, et des cauchemars qu'il fait la nuit. Il pense que c'est dû au odeurs des épices qu'il vend. Mon père dit que s'il arrête de boire du mauvais vin et si il nettoie son magasin, il se portera mieux.

J'avais une collègue dans l'autre entreprise où je travaillais avant et que j'ai quittée parce que j'étais la seule fille qui ne portait pas le foulard dans le service et les collègues hommes se faisaient des films pas  licites dans leurs petites têtes.
Cette collègue, tout le monde dans l'entreprise l'évitait. Si on a la malchance de lui demander comment elle va, on rate sa pause-café et sa pause-déjeuner. Elle parle, elle parle, elle parle, de ses nombreuses maladies qu'elle a héritées de ses parents et grands-parents. Ils sont tous malades dans sa famille,  même le chat qu'ils ont recueilli est  mbarkel..

La couturière chez qui ma mère a fait faire les rideaux du salon que mon père n'aimait pas ; il disait qu'avec ces rideaux il avait l'impression d'être au théâtre. Après plusieurs discussions avec lui, ma mère les a enlevés et les a donnés à la voisine el aânada.
Cette couturière se plaint tout le temps des fourmis qu'elle a dans les doigts. Elle n'arrête pas de dire qu'elle ne va plus coudre pour les gens ; et quand les gens vont chez l'autre couturière, elle commence à se lamenter et à dire que les gens sont ingrats, que c'est à cause d'eux que ses doigts fourmillent et que maintenant ils l'ont oubliée, qu'ils vont chez l'autre couturière qui ne sait même pas faire les cols des chemisiers.

Aujourd'hui, on ne sait plus reconnaître le vrais malade du faux. Tous les deux ont mauvaise mine et les cheveux gras. J'ai remarqué que le vrai malade, celui qui souffre, ne parle pas trop de son mal, comme s'il avait honte de sa maladie, alors que l'autre, le faux malade, il le crie partout et se dispute souvent avec les médecins et les pharmaciens.
Et comme disait ma grand-mére : " Li ihab imout, ikassel radjlih.".

Makhlouqiate
Le 22 janvier 2012





2 commentaires:

  1. Ah, je vois que le blog commence à s'étoffer.
    De la bonne lecture en perspective pour les amateurs des croustillants billets de Makh !

    Merci.

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Ghir Hak

    C'est peu brouillon, je dois mettre de l'ordre et soigner un peu mon style.

    Bonne lecture... si tu arrives à voir clair dans ce labyrinthe. Rire.

    RépondreSupprimer