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lundi 27 juillet 2015

Déjeuner chez la nouvelle mariée



Tout était nickel chez elle. Ça brillait partout, même l'assiette en plastique du chat. On y voyait son reflet d'invité inquisiteur en quête d'une poussière pour accuser notre hôtesse de fainéantise.
Eh oui, pour qui se prend-elle, la nouvelle ! Elle croit entrer dans la famille comme on entre à El Mouradia ! Adakhouli ya M'bareka bel khad3a !

Non  Madame ! Chez votre belle-famille, vous serez scannée comme à l'aéroport. Du cerveau aux orteils. Les femmes de la famille s'en chargeront. Elles surveilleront tous vos gestes qu'elles trouveront déplacés quoi que fassiez. Elles analyseront et déformeront tous vos mots, même ceux que n'avez pas prononcés. Aucun fait ne leur échappera. Ni votre mère, ni votre époux  ne sauront vous consoler. D'ailleurs ce dernier s'en lavera les mains.
N'ti wa qfaztek !

Le week-end dernier, sa belle-famille et sa famille étaient invités à déjeuner chez elle. Ses beaux-parents, un couple de l'an quarante, année supposée être la fin du monde. Sa belle-soeur, une settouta-née, comme on n'en a plus fait depuis la naissance de Sharon. Ses parents, la maman fait deux fois moins le volume du papa. Son frère, un jeune homme indéfinissable, ma n'qolelkoum faham, ma n'qolelkoum bakhakha. Personnage à suivre.

La nouvelle-mariée était belle. Plus belle que le jour de son mariage, pas de maquillage à la libanaise, pas de lentilles de contact bleues qui cachent ses beaux yeux bruns et pas de rajouts de mèches aux reflets douteux.
Elle était rayonnante dans sa robe d'intérieur verte dont les manches larges balayaient tout ce qu'elle touchait.
Elle avait l'air contente de recevoir ses deux familles. Elle souriait, faisait des compliments aux uns et aux autres et grondait le chat qui se frottait contre belle-maman qui n'avait pas l'air d'aimer mais  faisait semblant d'apprécier ses frottements pleins de poils. Beau-papa, lui, le suivait des yeux. On dirait 3amrou ma chaf qat.


C'est le moment de passer à table. Le chat à la salle de bains et qu'il y reste !
Chez nous, on aime les animaux mais qu'ils ne s'avisent pas à se mettre à notre hauteur !

La table était parfaitement mise. Tout y était même le chandelier aux bougies éteintes. Tant mieux d'ailleurs, il faisait chaud... et jour.
Les invités étaient bien placés : beau-papa en face de la maman ; le papa en face de belle-maman ;  belle-soeur en face de l'indéfinissable.

L'entrée, chorba et mini cocas, était succulente.
" C'est toi qui as fait les cocas ? a demandé la belle-soeur.
- Oui, c'est elle, a répondu le mari.
- Ya3tik essaha, a dit belle-maman.
- Merci, a dit la nouvelle mariée avec un grand sourire découvrant un morceau de pelure de tomate entre les dents.

C'est au tour des grands plats :  mtawem, poule rôti, kbeb et ham lahlou. Il faut enlever le grand chandelier pour avoir de la place sur la table et dans le ventre. Bon appétit !

Mais que se passe-t-il ? Pourquoi la maman  regarde le poulet puis regarde sa fille ? Regard qui n'avait pas échappé à belle-maman. La belle-soeur n'avait rien vu. Elle était en train de sonder l'indéfinissable en lui posant des questions sur ses diplômes en nonomachintrucologie. Beau-papa et le papa non plus, ils étaient branchés  politique.

La nouvelle-mariée n'avait pas l'air de comprendre le regard de sa maman. Panique !
Belle-maman s'est levée, a pris le poulet :
- Je vais à la cuisine le découper.
- Je peux le faire, a proposé le papa.
- Ne vous dérangez pas. C'est vite fait, a répondu belle-maman.

Il y a quelque chose qui clouche, comme dirait le voisin de la copine qui est partie vivre à l'étranger et qui veut retourner au pays mais son mari refuse de la suivre. Il dit qu'il préfère vivre fi bled enness que fi bled el kahs.
Sans commentaires !

Belle-maman est revenue avec le poulet découpé... pas tout le poulet... que les cuisses et les ailes.
- Où est passé le reste ? a demandé la belle-soeur à sa maman.
- Je l'ai donné au chat. Il n'a rien mangé de la journée.

Nass djadja, ba3da ! Hada ma klach smana.

Tout le monde s'est remis à manger sans chercher à comprendre sauf la belle-soeur qui insistait :
- Je l'ai vu manger des croquettes tout à l'heure.
- Ce n'est pas suffisant pour un chat de sa taille, lui a répondu belle-maman
- Ta maman a raison, a dit l'indéfinissable à la belle-soeur.
Puis, lui tendant son morceau de poulet, il lui a dit :
- Va lui donner mon morceau. Il te sera toujours  reconnaissant.
Elle a hésité un moment :
- D'accord !

Elle a pris le morceau de poulet et est allée le donner au minou qui dégustait déjà un demi-poulet.

 C'est quoi ce cri !

Il venait de la salle de bains où le chat était enfermé. Tout le monde s'y est précipité sauf l'indéfinissable. Il n'a pas bougé. On dirait qu'il savait ce qui s'était passé... que le chat avait sauté au visage de la belle-soeur  et l'avait griffée.
Ce chat lui appartient. Comme il ne pouvait pas le prendre avec lui à la cité universitaire et que ses parents ne voulaient pas le garder, il l'a laissé chez sa soeur (la nouvelle mariée ).
Il savait que son chat devient agressif quand il est dérangé pendant qu'il mange.

Qui avait dit qu'il était bakhakha ?


On a appris plus tard que la nouvelle mariée avait oublié de vider le poulet avant de le mettre à rôtir et que sa belle-mère, comme sa mère, s'en était rendu compte. Pour ne pas l'embarrasser, elle avait pris le poulet à la cuisine pour le débarrasser de la partie non nettoyée et l'avait donnée au chat qui s'en régalait quand la belle-soeur...On connaît la suite.

 
Morale de ce pavé : ne touchez pas à la soeur qui garde le chat de son frère qui fait de la nonomachintrucologie.















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