Rechercher dans ce blog

dimanche 12 février 2012

La guérison par la roqia





Chez nous on partage tout, joie et tristesse. Si l'on fait une fête, on invite toute sa qabila et cette qabila invitera sa qabila comme si c'était sa propre fête. C'est pour celà, loesqu'on invite une centaine de personnes, on fait à manger pour deux cents personnes, pour être sûr qu'il y aura à manger à toutes les qabilate et à toutes celles qui en partant demandent une part pour les autres membres de leurs familles qui sont restés à la maison pour diverses raisons.
Si un malheur survient, c'est kif-kif sauf que là, seule sa qabila proche qui vient en renfort et pas toujours au complet. Sinon, les autres arrivent une fois le malheur passé, le faire rappeler alors qu'on avait commencé à l'oublier.

ll y a quelques jours, la fille de la cousine de ma grand-mère était tombée malade. Elle a commencé à maigrir. Elle refusait de manger. Elle s'isolait dans sa chambre et écoutait Oum Keltoum du matin au soir.
Sa mère l'a emmenée d'abord chez le médecin qui lui a donné des médicament, mais cela n'a rien donné. Puis, chez un taleb qui lui a écrit plein de ktoub qu'elle devait avoir tout le temps avec elle, mais cela n'a rien donné.
Les médicaments du médecin lui donnaient des nausée. Dès qu'elle les prenait elle vomissait. Les ktoub du taleb lui donnaient des cauchemars. Elle rêvait de petites femmes aux cheveux  longs qui voulaient l'étrangler avec leur longue chevelure.

Sa mère a cru que sa fille était possédée par un djinn qui lui suçait tout son sang parce qu'elle était très pâle, safra ki habate qaress. Mon père disait que le djinn qui l'habitait devait  être un vampire farmach.
Voyant que sa fille ne guérissait pas, la mère a décidé de faire appel à un imam pour une roqia. Elle a chargé son voisin el hadj de lui trouver un imam spécialiste dans ce domaine.
Pour cette occasion, elle a ameuté toute la famille. Elle a téléphoné à la famille la plus proche, c'est-à-dire les vieille tantes et leurs belles-filles et leurs gendres, les oncles et leurs épouses et quelques cousins et cousines avec leur femmes et leurs maris. De quoi faire un diwan lui avait fait remarquer mon père quand elle nous a téléphoné pour nous inviter aussi.

Mon père ne voulait pas assister à la roqia, mais ma mère a insisté pour qu'il  nous  accompagne, sinon la cousine nous bouderait encore. Mon père lui a répondu tant mieux, au moins cela nous permettrait de passer des week-ends seuls et tranquilles.

Quand nous sommes arrivés chez la cousine, toute la famille était la sauf la belle-fille à ma vieille tante, qui, paraît-il, était allée chez la coiffeuse parce qu'elle croyait que c'était à une waâda qu'elle allait assister.
On entendait des récitations de sourate dans chaque pièce. J'ai eu la chair de poule. Je me croyais dans une djanaza. On voulait voir la malade. Sa mère nous a dit qu'il fallait attendre l'arrivée de l'imam que son voisin el hadj était allé chercher.

Pendant qu'on attendait l'imam, tout le monde discutait. Bizarre, tout le monde avait une anecdote similaire au cas de la fille de la cousine. Il n'y avait que mon père qui ne disait rien. Cela ne lui ressemble pas, parce qu'il a pour habitude, fâcheuse d'après ma mère, de commenter tout ce qui l'étonne et je voyais sur son visage qu'il y avait quelque chose qui le  l'irritait mais il se retenait. C'est peut-être à cause des récitations de sourate que personne n'écoutait.
Après une attente assez longue, pendant laquelle on a parlé de djinn, de roqia, de personnes possédées par des djnoun, de la nouvelle couleur des murs du salon où nous étions réunis des événements dans le monde arabe, de Kadhafi, des manifestations à Alger, du nouveau robot de la cousine qui fait du bon baghrir, de la belle-fille qui n'était toujours pas arrivée et que tout le monde essayait de joindre au téléphone comme si sa présence était primordiale.
Enfin, après cette attente l'imam est arrivée Toutes les femmes ont remis leurs foulards sur la tête et on s'est tous tus.

L'imam a demandé à avoir une bouteille d'eau. Il 'est assis en tailleur sur le tapis. Il a porté la bouteille d'eau à sa bouche et a commencé à réciter sourat "el fatiha" sept fois en soufflant dans la bouteille après chaque verset. Ensuite, ayat "el koursi" sept fois en soufflant et sourat "enass" sept fois toujours en soufflant dans la bouteille après chaque verset récité
Entretemps, la fille de la cousine était venue nous rejoindre. Elle était très pâle et avait l'air effrayée. Elle avait la tête baissée comme si elle avait honte.
Sa mère l'a installée sur un fauteuil et lui a mis un peu de ma zhar sur le visage. A cet instant, j'entends mon père dire doucement à ma mère qu'il ne manquait plus qu'à mettre la henna à la malade.
Quand l'imam a fini avec la bouteille, il a donné un peu d'eau dans un verre à boire à la malade. Elle l'a refusé en disant qu'elle n'avait pas soif, mais l'imam l'y a obligée.
Après, l'imam a mis sa main sur sa tête, la tête la malade, et a commencé à réciter les mêmes sourate mais sans souffler cette fois.
La malade n'avait pas bougé, elle a fermé les yeux. Des larmes lui coulaient. Quand l'imam a finit de réciter les sourate, il l'a frappée dans le dos et lui a ordonné : "Pleure, abki, abki !" tout en la frappant de dans le dos.
J'entendais encore mon père dire à mère : "S'il continue comme ainsi, il lui cassera les omoplates.". Moi,aussi j'avais peur pour elle, elle avait l'air si fragile si frêle !
La malade a commencé à pleurer de plus en plus fort, elle sanglotait même. L'imam continuait à lui crier de pleurer et à lui donner des tapes dans le dos.
Sa mère pleurait aussi en se lamentant : " Ya yema benti, ya yema benti". Et la mère pleurait, et l'imam criait et tapait dans le dos et la malade sanglotai,t et tout le monde en était ému. Cette scène me donnait le vertige.
Soudainement, la malade s'est arrêtée de sangloter. Elle a pris la main de l'imam et lui a crié d'arrêter de la frapper, qu'elle n'était pas malade, qu'on la laissât tranquille, que c'était son cœur qui saignait parce qu'elle venait d'être larguée comme une moins que rien... Et elle s'est enfuie du salon et est allée s'enfermer dans sa chambre.
Sa mère n'en croyait pas ses oreilles et ses yeux. Elle est restée un moment la bouche ouverte à regarder dans le vide. On voyait tout le plombage de ses dents. Puis, elle s'est mise à pleurer : " Ya yema aâla benti hablate, rakbouha djnoun.".

L'imam pour la calmer lui a donné à boire de l'eau de la bouteille dans laquelle il avait soufflé. Mes tantes et les cousines l'ont prise dans une autre pièce pour la calmer.
Avant de partir, l'imam nous  a dit de dire à la mère d'obliger sa fille à boire l'eau de la bouteille.

Nous sommes restés au salon silencieux pendant quelques minutes, gênés, choqués. Mon  père voulait rentrer. Quand nous sommes montés dans la voiture, je voulais lui poser une question , mais il m'a  arrêtée : "Tais-toi Makhlouqa, tu ne vas pas t'y mettre, toi aussi !".

Je ne comprenais pas sa colère. Je me suis tue. Un jour je lui poserai la question que je voulais lui poser.

Makhlouqiate
Le 20 mars 2011

2 commentaires:

  1. Bonjour

    Ici Adhrhar, enfin j'ai trouvé ton blog, supper

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Adhrhar
    Sois le bienvenu.

    Merci d'être passé.

    RépondreSupprimer