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dimanche 12 février 2012

C'est arrivé au marché




J'ai vu une scène qui fait rire et pleurer en même temps, tbaki wa dahak comme on dit. Elle s'est passée au marché.
Faire le marché n'est pas toujours chose facile, alors durant le ramadan, c'est le parcours du combattant !
On s'y prépare physiquement et psychiquement. Cela commence généralement à la maison par la recherche du couffin, de la fameuse qouffat el marchi, qu'on ne trouve pas quand on en a besoin.
Il est soit chez la voisine qui l'a emprunté mais comme toujours elle a oublié de nous le rendre, soit on l'a oublié à l'hôpital, le jour où on a pris du baghrir en rendant visite à mart khali, qui s'est fait opérée du goitre, baghri qu'elle ne pouvait pas manger parce qu'elle ne pouvait rien avaler. Personne n'a pensé à lui amener de la soupe, parce qu'on n'est pas habitués aux opérations de goitre. On connaît les accouchements, les appendices, les ulcères, les gradjem, mais le goitre pas très bien, on s'y initie.
On va au marché couffin à la main, dans lequel on mettra un ou deux filets.On ne sait jamais, le couffin ne suffirait-il pas.
On quitte la maison une liste en tête sachant pertinemment qu'on oubliera d'acheter la moitié de ce qu'on avait en tête, et qu'au retour à la maison, on se rabattra sur la supérette du coin pour acheter ce qu'on a oublié.
Même à la supérette, on oubliera d'acheter la moitié de ce qu'on a oublié d'acheter au marché.
Comme dit mon père, celui qui fait confiance à sa mémoire oublie qu'il est humain.

La scène que j'ai vue au marché couvert est arrivée au marché aux légumes. C'est un endroit dangereux, le marché aux légumes, pas à cause des prix exorbitants qui peuvent provoquer un arrêt cardiaque chez les petites bourses, ni à cause des joutes verbales et physiques entre marchands et clients qui finissent toujours en bagarre générale comme dans les saloons américains, ni à cause des pickpockets qu'on flaire de loin, pas à leur odeur mais à leurs yeux cernés et pochés comme ceux de l'éléphant et à leurs lèvres sèches et parce qu'ils n'ont jamais de couffin ou de "sachet noir" dans la main.
C'est un endroit dangereux parce que c'est glissant. Il y a gisant sur le sol des épluchures de légumes, de vieux sacs en plastique, des rigoles d'eau sale qui viennent de je ne sais où. On peut facilement glisser si on ne porte pas de chaussures aux semelles solides, et comme la plupart des gens ici vont au marché en bligha, bonjour les glissades !

C'est ce qui est arrivé l'autre jour à un homme. Il ne portait pas de savates, mais il avait une casquette sur la tête. Il avait un couffin dans une main et des sacs en plastique bien chargés dans l'autre. Il a oublié de mettre des filets dans sa qouffa. On voyait qu'il avait du mal à tenir son équilibre en se faufilant parmi la foule qui le bousculait.
Avant d'arriver à la sortie du marché, il glisse et tombe de tout son poids. En tombant, il criait : "a  Sidi Mérouane, a Sidi Mérouane.".
Le contenu de son couffin et des sacs en plastique s'est déversé sur le sol autour de lui.
Des gens se sont accourus pour l'aider à se relever. Il cria à qui voulait l'entendre qu'il s'était cassé une jambe, qu'il ne pouvait pas se mettre debout. En même temps, il regardait autour de lui pour surveiller ses provisions.
Des jeunes se ont mis à ramasser les légumes et à les remettre dans le couffin et les sacs. Lui, soutenu par deux personnes, il boitait en suivant l'opération de ramassage de légumes éparpillés sur le sol.
Quand tout à coup, un des jeunes prit un sac plein de légumes et s'enfuit en courant vers la sortie. Notre homme qui titubait retrouva instantanément sa vigueur. Il s'est mis à courir derrière le jeune qui lui a volé les légumes.
Dans son élan, il a fait tomber les deux bonshommes qui le soutenaient. L'un est tombé sur un cageot et s'est blessé au front, l'autre a failli atterrir sur le grand bac à pois chiches, trempés dans l'eau, si le marchand ne l'avait pas retenu à temps.

Devant cette scène, il y en avait qui riaient, d'autres qui adjuraient, des jeunes qui encourageaient l'homme à la casquette qui tabassait le voleur qui a été arrêté à la sortie du marché par un vieil homme qui lui a fait  un croche-pied et l'a cloué au sol.

Ce qui qui m'intrigue, moi, dans cette scène hilarante et désolante à la fois, c'est "Sidi Mérouane que l'homme à la casquette invoquait dans sa chute, je ne le connais pas !

Makhlouqiate
Le 20 juin 2011

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