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vendredi 29 juin 2018

L'achat d'une tortue

La tortue, ce reptile qui porte sa maison sur le dos, que l'on nomme chez nous fakroun et qui devient femelle chez La Fontaine est un animal solitaire que l'on domestique.
La solitude ça n'existe pas, chantait-on !

Qui ne connaît pas son ! Chez nous, c'est Baba Fakroun et Yema Guergour, un couple reptilo-amphibien qui passe son tempe à se disputer.

Aujourd'hui, le fakroun naît dans les animaleries. Avant, on allait le trouver dans les forêts.

C'est ce que j'ai fait, je suis allée dans une animalerie acheter un fakroun.
C'est pour l'offrir à la fille de ma collègue qui a invité tout le staff à "la fête de sixième". Oui, c'est cela, sa fille a eu sa sixième. La3qoba lel BFEM !

De nos jours, avoir sa sixième, son BEM, son bac est devenu un prestige. Tqol djabou le doctorat. Wach men haflate fel sallate, wach mel cadowate wa tawsate !

Ils le méritent ces chérubins. Hamrou watch malihoum... bien que cette expression ne soit à sa place ici. On l'utilise dans un autre contexte. Un contexte où il est question d'honneur ; honneur qui dépend de la chasteté de la fille.
Et qu'en est-il de la chasteté du fils ? Houwa radjel ma3lich, passe ton chemin.
Revenons à nos tortues , il vaut mieux !

La maman, ne dérogeant pas à la nouvelle tendance, va organiser une grande fête dans une grande salle pour célébrer la réussite de sa fille.
Comment appelle-t-on ceux qui ont eu la sixième ou le brevet de fin d'études moyennes ? On ne les appelle pas ? Leurs brevets ma cicontiche comme celui des bacheliers li djayin men el thanawiya wa rayhin lel kouliya.
C'est un long parcours, wach bik !

Retournons à nos moutons ! La maman de la sixièmière (pas la peine de chercher dans le dictionnaire, ce mot n'existe pas... pas encore !) m'a dit que sa fille avait toujours souhaité avoir une tortue. En bien, on va exaucer son souhait !

Je me rends donc chez un animalier pour acheter un fakroun pour la fille de ma collègue.
J'entre dans la boutique. Ça ne sent pas la violette, par contre le vendeur, lui, il sent bon. Miam ! Sa place est dans une pâtisserie. Il sent la mousse à la banane. Heureusement, il n'a pas de gorilles dans son magasin.

Il me demande s'il peut m'aider.
Oui, laver tous les stores de la maison.

Je lui expose mon besoin : une tortue, bébé de préférence, comme quand on veut adopter un enfant.
" C'est pour vous ? ", me demande-t-il ?
Ah non ! Les fourmis qui ont envahi la cuisine me suffisent !

Je lui réponds que c'est pour une adorable petite fille qui vient d'avoir sa sixième.
- Mabrouk a3liha, me dit-il avec un grand sourire exhibant de belles dents blanches msatffine kima les soldats de l'armée chinoise.

Pendant qu'il s'affaire au fin fond de la boutique, à me trouver un bébé fakroun, une hadja s'approche de moi :
" Waqila sahrouk. ", me dit-elle.
- Sahrouni !
- Hadou ma ikounou ghir hbabetek ! Elles te jalousent.
Ca ne va pas dans la cabeza, ma vieille !

- Je ne comprends pas, el hadja.
- Tu veux acheter une tortue pour protéger ta maison men s'hour.
- Non, je l'achète pour la fille d'une collègue.
- Alors, c'est ton amie qui a peur du s'hour, ou bien pour t'ensorceler. A ta place, je me méfierais d'elle. Rahi hebba tadilek placetek.
A khada3ti !

Le vendeur intervient :
- Yal hadja, khali Madame fi niyat'ha. El s'hour makache menou. Ettaqi moulek !
Il lui donne quelques pièces de monnaie et la prie de bien vouloir quitter son magasin.
Chassée pour valoir ce que de droit !

Se retournant vers moi :
- Ne faites pas attention à ses débilités. Elle ne sait plus ce qu'elle dit.
- Je ne crois pas en la sorcellerie.
- Ce sont des khourayfatte, vous avez bien raison, me dit-il.

Après m'avoir fait tout un speech sur les croyances et le religieux et avoir empaqueté dans une belle boîte aérée la tortue que j'avais choisie et m'avoir fourré quelques feuilles de laitue dans un sac en plastique, pas pour moi, pour le foukroun, il me dit :
- Je suis sûr que la petite sera contente.
- Je n'en doute pas. Je vous en remercie.
- C'est moi qui vous remercie, Madame.
- Au revoir !
- Au revoir... Heu, dites quand même à votre collègue que la tortue seule ne peut éloigner les maléfices, qu'elle mette du sel, du gros sel, sous le paillasson.
- Mais... vous venez de me dire que...

Laisse tomber yal makhlouqa ! Tu as une tortue à livrer !

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