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mercredi 7 mars 2012

Derrière chaque femme, il y a une histoire






- Demain, c'est notre fête, n'oublie pas, me dit ma copine
- Mais de quelle fête parles-tu ?
- De la fête de la femme, ya makhlouqa ! Tu es une femme et tu ne le sais pas !
- Qu'est-ce que nous fêtons demain ?
- La femme !
- Mais la femme est tous les jours femme, pourquoi on attend demain pour la fêter ?
-  Arrête de philosopher et détends-toi. Dlima organise une fête chez elle, demain après-midi, tu viens ?

Dlima est une copine mariée depuis quatre ans et mère d'une adorable petite fille. Dlima n'est pas son prénom, c'est un surnom qu'on lui a donné, parce que c'est toujours sombre chez elle. Les volets et les fenêtres y sont toujours fermés. Elle les ferme pour que la poussière n'entre pas et ne salisse le parterre qu'elle lave plusieurs fois par jour. La lumière est allumée toute la journée dans son appartement. Mais wach men lumière ! Lampa maâmacha, tayah aâlik el tinbou !
Quand on sort de chez elle, on a du mal à distinguer les marches de l'escalier. Après y avoir passé quelques heures dans la pénombre, les yeux ne peuvent supporter  la clarté du jour qui inonde le palier.
Dlima a arrêté de travailler depuis qu'elle a eu son enfant. Elle a mis fin à une carrière prometteuse suite aux demandes incessantes de son époux. Entre lui obéir et sa carrière, le choix a été vite fait. "Ma yenfaâ ghir sah" qu'elle dit, "C'est mon mari, je lui dois respect et obéissance".

- Qui sera à la fête ?
- Sa maman et ses  trois sœurs. Il y aura aussi Skikna, Msadfa et quelques voisines.

Skikna est une autre copine, celle qui cherche désespérément un mari, d'où son surnom. Une fois, elle est venue chez moi. Ce jour-là mon frère était à la maison.
On s'était installées dans le salon  pour prendre le café. Ce qui a irrité mon frère car il s'apprêtait à regarder son émission de17 heures. Il était obligé d'aller la regarder dans sa chambre. Chah !
Skikna n'a pas arrêté de se lamenter sur son sort de célibataire. Ce qui a irrité encore plus mon frère qui ne pouvait pas éviter d'entendre ses lamentations, parce que Skikna, elle ne parle pas, elle crie. Ya saâdak ya la trach !
Mais ce jour-là, elle a crié un peu plus fort parce qu'elle a vu que mon frère était là. Faqtel'ha.
Skikna a eu plusieurs prétendants, qu'elle a repoussés. Ils étaient soit pas assez cultivés, soit pas assez bien éduqués. Elle recherche l'homme qui la mérite et qui sait reconnaître sa valeur. "Manich bagra netbaâ fel souk. "Aândi aâla men narda", est son leitmotiv.
Quand elle est partie, mon frère est revenu s'installer devant la télé du salon. Il me dit : "Tu diras à ta copine etchaqlala que la bagra taâmar el aâyn.".
J'ai préféré ignorer sa remarque. Le connaissant et me connaissant, de la bagra on se serait engagés dans une discussion sur les faux planchers et les faux plafonds.

- Msadfa sera de la fête !
- Oui. Pourquoi ça t'étonne ?

Msadfa est la meilleure amie de Dlima. Entre elle et l'époux de Dlima, c'est la guerre froide, plus froide que la Sibérie. Elle n'aime pas le traitement, qu'elle trouve sexiste et assujettissant, qu'il inflige à son amie. Pourtant Dlima ne s'en plaint pas.
Pour Msadfa, tous les hommes sont des violeurs en puissance et des pervers. "Yemahoum wahda" qu'elle ne cesse de dire, oubliant que "yemahoum" est une mra elle aussi.


- Je ne pourrai pas venir. J'ai à faire demain.
- Tu ne peux pas te libérer ? Viens, on va bien s'amuser.


Cela ne sert à rien de répéter à ma copine que cette fête ne me concerne pas. Que je n'ai rien à fêter demain. Que je ne veux pas assister à une fête qui sert de défoulement à une Dlima qui s'ennuie dans sa vie ;  à une Skikna pour qui chaque danse chaque twelwila est un dépit personnel, à une Msadfa qui se réjouit de cette journée parce que les hommes en sont exclus.
Elle n'arrivera pas à comprendre que je ne veux pas que l'on me réserve un traitement spécial, que l'on m'offre des fleurs et du chocolat demain. D'ailleurs, je n'aime pas trop le chocolat.

J'ai envie de lui dire, à elle et à toutes les Dlimate, à toutes les Skiknate et à toutes les Msadfate que leur fête est une atteinte à la  journée symbolique de demain.








6 commentaires:

  1. Hahaha... lampa maâmacha !

    Bonne fête, nez en moins ;-)

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    1. Je suis plutôt ennif wa la khsara. Rire.

      Je te remercie parce que c'est dit avec nez ya.

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  2. Bonjour,
    juste pour te dire que je suis ravi de te lire sur ton blog.
    Bonne continuation
    De la part d'un FAist ^ ^

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    1. Bonsoir FAist

      Merci d'être passé et au plaisir de te revoir.

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    2. La scène est très bien imaginée; je n'en doute pas, comme d'habitude. Cependant, j'ai envie de dire que cette journée de la femme doit être en rapport avec le combat incessant de la femme pour aspirer à un meilleur statut. Il est vrai que beaucoup de choses restent à faire, particulièrement chez nous où les "begrate fessouq" existent toujours. On les considère en tant que telles et beaucoup parmi elles s'acceptent en tant que telles. Heureusement que celles qui sont dignes refusent ce statut, d'où leur combat qui rapporte, chaque jour, un peu plus de considération, d'où l'espoir d'un meilleur être.
      Ainsi, il serait sensé que le 08 mars soit la fête de la femme, mais pas de toutes les femmes. Oui, c'est la fête de la femme battante.
      Tu es une femme battante et c'est pour cela que je te dis bonne fête.

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    3. Bonjour Mohamed

      Je te remercie pour tes vœux bien que j'aie du mal à accepter le mot "fête".

      Bon courage à toutes celles qui continuent à se battre, et Dieu sait qu'elles sont nombreuses !

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